Chers Amis,
Ce mois de Novembre est le mois des rencontres avec nos souvenirs.
Alors, je vais vous offrir cette petite histoire vraie à la rencontre de la grande 'HISTOIRE, par la médiation de l'Inspiration qu'Emmanuel LEVINAS qualifait "d'énigme de l'infini qui nous fait l'auteur de ce que l'on entend".
A l'époque, je participais aux ateliers d'écriture de textes à chanter, dont le moniteur était Claude LEMESLE.
Il nous proposait 2 thèmes pour le mois à venir et, le jour de la rencontre, on lui proposait nos textes de chansons avec ou sans mélodie associée.
En général, j'avais le privilège de recevoir simultanément les 2 éléments.
Pour Novembre 1997, l'un des 2 thèmes était "17 à 31".
Pour les curieusissimes (car c'est hors sujet), l'autre était "Un cheveu sur la langue" avec contrainte supplémentaire (écrire en alexandrins).
Cette fois-ci, je n'ai pas trouvé de musique (ni pour l'un ni pour l'autre).
Je vous offrirai le 2ème lors de notre rencontre du mardi de novembre... Alors revenons-en au 1er.
En partant de l'atelier, pas l'ombre d'une idée....
Puis, le mois m'y conviant avec plus d'insistance, je décidais d'aller rendre une visite spirituelle à mes "chers disparus".
Je m'y rendais le coeur quelque peu mélancolique.
En arrivant devant ce lieu, normalement calme et silencieux, surprise : Fanfare joyeuse en défilé, avec clairon, batterie, et on se serait cru à la fête à Pompon !
Je m'approche et que comprends-je? C'était la commémoration des anciens combattants sacrifiés à la Patrie !
J'ai soudain ressenti une colère extrême, et, ne pouvant interrompre cette manifestation de polyamnésiques (mot emprunté à C. LEMESLE) habillés en Poilus propres et bien nourris (j'ignore où ils avaient trouvé ce modèle, ont dû l'inventer), je suis repartie sans avoir crié mon indignation mais je l'ai transcrite en répondant aux exigences d'un des sujets du mois :
"17 à 31".
J'avais les paroles, mais comment traduire un cri en musique ?
Un an plus tard, en me rendant chez un ami musicien qui créait, et posait sur CD, les accompagnements de mes mélodies, pour une autre composition (à cette époque, je ne savais pas DU TOUT m'accompagner à la guitare), je rencontre sa compagne, artiste peintre et, je le découvrais, compositeur.
Elle me dit : Jai créé une musique "militaire", connaîtrais-tu quelqu'un qui pourrait écrire des paroles militaires pour les poser dessus ?
Immédiatement je pensais à mon "17 à 31" et je lui ai répondu : J'ai écrit des paroles militaires pour lesquelles je n'ai pas de mélodie. On essaie ?
Elle s'est mise devant son orgue et a commencé à jouer. J'ai embrayé avec mes paroles. Stupéfiant !
Ceux qui ont eu l'occasion d'entendre cette "chanson" en témoignent aussi.
Elle n'a pas rajouté une note et je n'ai pas rajouté un mot. Quand elle a arrêté de jouer, je venais de finir mon récit.
Qui plus est, suivant les contraintes techniques des chants, l'accent tonique de mes mots arrivait bien sur les notes fortes de la mélodie !
Je croyais que ce serait la seule coincidence car elle était déjà inouïe.
Eh bien, non.
Nous enregistons la mélodie et, quelque temps après, je rencontre le père d'une de mes amies et j'apprends qu'il était le seul survivant des résistants du massif du Vercors (Monsieur TONNEAU. Il venait d'écrire sa mémoire de résistant pour rendre hommage à tous ses compagnons d'armes, dont son frère ainé.)
Quand vous aurez lu le texte, vous comprenderez sans doute ma réticence à répondre à la demande de sa fille et à lui chanter, en présence du petit fils aussi, cette chanson.
Effectivement, sa réaction dès les premiers mots ne m'a pas rassurée. Mais j'ai continué.
A la fin, il avait les larmes aux yeux et nous aussi.
J'ai raconté leur histoire.
Ils avaient de 17 ans (c'était son cas à lui, le plus jeune) à 31 ans ( 30,5 ans, plus précisément).
Ils étaient 19. Ils ont demandé plusieurs fois, avant d'être exécutés, de l'aide qu'ils n'ont pas reçue car leur sort était d'occuper des troupes allemandes et non de mobiliser des troupes françaises.
L'objectif des stratéges était d'utiliser leur potentiel, le plus longtemps possible, afin de déséquilibrer, en faveur des alliés, les forces combattantes sur le front de Normandie.
Vous avez le nom de l'auteur, vous trouverez peut-être son livre en librairies s'il n'est pas épuisé.
Alors voici mon "17 à 31".
Je l'interpréterai probablement le 1er Dimanche de Décembre à la TOMATE, car en Novembre je n'ai pu participer à cette rencontre.
Juste avant je vous dis à bientôt. Pensées amicales.
17 à 31
Préambule : Ils avaient de 17 ans à 31 ans.
17 à 31
Nous avons su leur âge
Quand on a salué, en pleurant, leur courage
17 à 31
Tous dans le même train
Le même terminus. Ils étaient près de 20.
Qui les a engagés
Dans ce convoi perdu
Pour un combat triché
Qu'on savait sans issue
17 à 31
Je voudrais tant crier
Qu'ils vous ont enchaînés, au nom de Liberté
17 à 31
Visages sur la pierre
Je ressens la douleur éprouvée par vos mères.
Il fallait des martyres
Aux stratèges planqués
Ils voulaient des drapeaux
Que vos sangs aient marqués
17 à 31
C'était Où ?
Est-ce loin ?
17 à 31
Plus jamais
Ces destins.
17 à 31
Eternels souvenirs !
Ils auraient dû graver :
Infinis repentirs !
Ils auraient dû graver :
Infinis repentirs.
Françoise